Pourquoi préserver et valoriser la myrtille sauvage du Massif central ?
Alors que les quantités récoltées de myrtille sauvage ont nettement baissé depuis les années 1990 et que les landes à myrtille apparaissent menacées, la préservation et la valorisation de « l’or bleu des montagnes » reste à la croisée d’enjeux forts pour notre territoire. Ainsi, peuvent être identifiés :
- Un enjeu économique : les landes à myrtille sauvage peuvent être une double ressource pour l’activité agricole avec d’une part l’alimentation des troupeaux par le pâturage (ovin sur le Parc), et d’autre part le ramassage des myrtilles qui peut permettre une forte plus-value économique tout en diversifiant les revenus, tandis qu’à l’échelle du Massif central l’offre actuelle ne permet pas de répondre à la demande ;
- Un enjeu culturel : la myrtille a une forte valeur patrimoniale, de nombreux gestes et outils sont à préserver alors que sur le territoire du Parc la tradition de ramassage s’est en grande partie perdue (L’Or noir de nos montagnes, enquête ethnographique et historique sur la myrtille sauvage dans le Massif Central, Coralie VILLARET, 2020, Mémoire-recherche) ;
- Un enjeu de biodiversité : pour partie classées habitats d’intérêt communautaire, les landes à myrtille sauvage abritent plusieurs espèces protégées comme le Damier de la Succise, un papillon, ou le Faucon pèlerin ;
- Un enjeu paysager : l’entretien des landes à myrtille par le pâturage contribue au maintien de paysages ouverts et d’une mosaïque de milieux de grande qualité.
Le déclin des landes à myrtilles sauvage et de l’activité de cueillette peut s’expliquer par plusieurs raisons. C’est à partir des années 1920 que la myrtille sauvage va vraiment s’exprimer dans les landes avec la moindre pression du pâturage ovin. Dans les années 1960-1970 des quantités considérables sont ramassées, c’est une activité économique à part entière, organisées par des courtiers auvergnats qui fournissent les peignes pour les récoltes et achètent les fruits. S’en suit un long déclin notamment depuis les années 2000, dont les raisons sont multiples, parmi celles avancées :
- l’abandon du pâturage ovin lié aux difficultés de l’élevage, les landes à myrtilles ne sont alors plus entretenues et les pieds de myrtilles se retrouvent étouffés par les callunes, bruyères, genêts…(le surpâturage peut empêcher lui aussi l’expression de la myrtille);
- la transformation de landes à myrtille en prairies ou en plantations monospécifiques de résineux ne laissant pas suffisamment passer la lumière ;
- les conséquences du changement climatique sur une plante très sensible aux aléas du climat (gelées tardives, fortes pluies ou manque d’eau…) qui rendent les récoltes et les revenus plus irréguliers et ne facilitent pas la structuration des acteurs économiques autour d’outils de valorisation ou de reconnaissance ;
- l’apparition, comme sur d’autres espèces fruitières, du ravageur Drosophila suzukii qui peut causer des pertes importantes sur les fruits et contraindre à une cueillette précoce ;
- L’intérêt à partir des années 80 en France pour la myrtille arbustive (Vaccinium Corymbosum, ses fleurs forment des corymbes), une espèce nord-américaine appelée bleuet, cultivable et à la production moins aléatoire qui s’exprime bien sur le territoire du Parc où elle est valorisée par la Marque Valeurs Parc ;
- La forte concurrence d’autres pays européens pour la myrtille sauvage.
1 : Myrtille sauvage : baie violet – noir à chair rouge, de petite taille, poussant sur des arbrisseaux de moins de 60cm, au goût puissant.
2 : Myrtille arbustive ou bleuet : baie violette couverte d’une légère pruine, à chair blanche, poussant sur des arbustes pouvant aller jusqu’à 2 m, au goût plus doux.
Pour autant, malgré ces difficultés, s’exprimant d’ailleurs différemment selon les territoires, un potentiel intéressant existe toujours. Son expression implique de mieux identifier et diffuser les pratiques d’entretien des landes à myrtille les plus adaptées, tout en valorisant le fruit et les savoir-faire associés auprès des propriétaires – agriculteurs – cueilleurs – acheteurs – consommateurs. C’est ce à quoi s’attache le programme d’actions dans le lequel est impliqué le PNR de Millevaches en Limousin aux côtés de ceux du Livradois-Forez, des Monts d’Ardèche et du Pilat. Ce travail s’inscrit dans le prolongement du programme d’expérimentation lancé en 2015 par le Parc sur son territoire.
Chiffres clés
- La myrtille sauvage sur le Parc affectionne les landes sèches à plus de 700 m d’altitude.
- Environ 520 hectares étaient concernés par la présence significative de la myrtille sauvage en 2007 dont 465 hectares sur des landes plus ou moins ouvertes.
Les actions de ce programme
S’inscrire dans une dynamique à l’échelle du Massif central
Depuis 2020, le PNR de Millevaches en Limousin et 3 autres Parcs du Massif central ont souhaité travailler ensemble à la préservation et à la valorisation de la myrtille sauvage sur la base des apports de leurs initiatives locales. Le programme d’expérimentation et d’innovation mené par le Parc entre 2015 et 2020 a permis d’apporter de premiers éléments contribuant à la bonne gestion de la lande à myrtille. Le PNR s’est parallèlement rapproché de ceux des Monts d’Ardèche, du Livradois Forez et du Pilat pour aller plus loin, à l’échelle du Massif central. Les 4 Parcs sont désormais impliqués dans un programme d’actions plus ambitieux et plus en phase avec l’adaptation au changement climatique : « Préservation et valorisation de la myrtille sauvage du Massif central » dont la phase 2023-2026 bénéficie notamment du soutien financier de l’Etat via la Convention de Massif central.
Identifier, via un réseau de parcelles expérimentales, des itinéraires techniques favorables au maintien ou reconquête des landes à myrtille sauvage
Ce travail repose sur un réseau de 11 parcelles expérimentales réparties sur les 4 Parcs partenaires. L’objectif est d’identifier des modalités de gestion, efficaces sur le développement et la production de myrtilles sauvages, tout en étant respectueuses de la biodiversité des habitats. Le travail mené fera notamment l’objet de fiches techniques à destination des professionnels pour aider à la prise de décision. Trois des 11 ces parcelles sont localisées sur le PNR de Millevaches en Limousin, dont la parcelle expérimentale « historique » lancée en 2015 dans les Monédières sur une des très rares fermes qui intègrent aujourd’hui un atelier myrtille sauvage sur le Parc. La démarche est participative incluant des partenariats avec les propriétaires, gestionnaires (éleveurs, cueilleurs, gestionnaires forestiers), partenaires scientifiques, établissements d’enseignement agricoles.
Le protocole a été réfléchi, testé, amélioré avec les partenaires scientifique (INRAE / CNRS/ Conservatoire Botanique du massif central). L’hypothèse de travail est que l’équilibre entre la réouverture des milieux et leur entretien (par le pâturage notamment) apparaissent aujourd’hui comme la clef principale de la redynamisation des landes à myrtilles et de la stabilité interannuelle de la production dans le contexte en particulier du changement climatique avec plus précisément l’impact des périodes de sécheresse et des gels printaniers. Cette redynamisation et stabilisation pourraient être atteintes par la suppression ou la réduction de la concurrence subie par la myrtille sauvage concernant d’une part son étalement dans l’espace limité par les autres espèces de la lande, et d’autre part son accès à la lumière diminué par les arbres et arbustes dans des contextes (pré)forestiers. Différentes modalités de réouverture, par coupe-broyage-entretien par le pâturage (leviers de gestion), permettent dans différents contextes de sol et de climat selon les parcelles expérimentales d’explorer les réponses de la myrtille sauvage à travers le suivi de variables telles que la production de fruits, le recouvrement par la myrtille sauvage, la diversité des espèces végétales.
Les différentes étapes de mises en œuvre du protocole :
- Identifier les parcelles et mettre en place les placettes de relevés (400 m2) ;
- Mettre en œuvre les modalités : coupe, broyage, pâturage (confié aux gestionnaires de la parcelle ;
- Installer les appareils de mesure et suivre les paramètres retenus (relevé phytosociologique comme état initial, enregistrement des interventions, relevés relatifs à la dynamique de végétation, mises en perspectives avec l’ombrage / caractéristiques du sol, géographie, paramètres climatiques) ;
- Analyse et interprétation des données.
Les mesures de la charte
Mesure 4 - Restaurer ou conforter les continuités écologiquesMesure 6 - Gérer de façon concertée les milieux rares et remarquables, en particulier les Sites d’Intérêt Ecologique Majeur
Mesure 11 - Préserver et valoriser les paysages emblématiques
Mesure 20 - Relocaliser la transformation, la distribution et la consommation des produits agricoles
Mesure 21 - Développer et promouvoir une agriculture alliant viabilité économique et respect de l’environnement
Contact
Vincent Lelaure
Chargé de mission Agriculture et Alimentation
Email : v.lelaure@pnr-millevaches.fr
tel : 07 88 77 25 25