Le frelon à pattes jaunes – Quel genre de menace représente-t-il ?
Arrivée en Europe en 2004 suite à une introduction involontaire dans le Lot-et-Garonne, 20 ans plus tard l’expansion géographique de l’espèce semble avoir atteint ses limites climatiques. L’invasion trouve vraisemblablement son origine dans une seule femelle multiplement fécondée, et a progressé de plusieurs dizaines de kilomètres chaque année.
Comme toutes les guêpes sociales, le frelon à pattes jaunes (aussi appelé frelon asiatique) est carnivore à l’état de larve et s’alimente de sucre (nectar, miellat, fruits) une fois adulte. Les femelles fondatrices s’activent au printemps pour créer un nid dans un endroit abrité, relativement proche du sol. La colonie se développe et la plupart du temps déménage dans un second nid élaboré en hauteur dans un arbre, de préférence isolé ou en lisière, dans le courant de l’été. Les mâles et femelles de la génération suivante sont pondus en fin d’été et quittent le nid à l’automne pour se reproduire. Les mâles décèdent en suivant tandis que les femelles se mettent à l’abri pour survivre à l’hiver.
À condition de ne pas déranger son nid, l’espèce n’est pas particulièrement agressive et son venin n’est pas plus dangereux que celui de l’abeille domestique ou des autres guêpes sociales. À son pic d’activité, une colonie en bonne santé peut compter jusqu’à 2 000 individus simultanément et consommer environ 11 kg de proies sur l’année, essentiellement des insectes. En comparaison, une ruche atteint communément 30 000 abeilles simultanément à son pic d’activité et se nourrit d’un minimum de 20 kg de pollen par an. La nature des proies du frelon à pattes jaunes est variable selon l’environnement, mais il s’agit principalement d’abeille domestique, de mouches et de guêpes sociales.
En tant que prédateur opportuniste, sa consommation tend à porter sur ce qui est abondant dans l’environnement. Contrairement à ses conséquences sur l’apiculture, ses impacts sur la biodiversité sont peu documentés. L’abeille domestique représente une importante ressource alimentaire dont l’abondance et la disponibilité sont grandement soutenues par l’apiculture. De plus, le comportement spécialisé de chasse au vol de ce frelon devant les ruches lui permet d’exploiter efficacement cette ressource. La combinaison de ces deux facteurs a certainement facilité l’invasion de l’espèce en France et en Europe.
Somme toute, son caractère généraliste associé à son intérêt particulier pour l’abeille domestique et à son pic de prédation relativement tardif, suggèrent des impacts limités sur la biodiversité.
Les actions de ce programme
Limiter les impacts de l’espèce et préserver la biodiversité
Son éradication dans son aire de répartition européenne actuelle n’étant pas possible, même de façon localisée, la lutte contre cette espèce est à considérer avec discernement. Cela d’autant plus que des méthodes de lutte encore largement répandues s’avèrent particulièrement dommageables pour la biodiversité.
A l’heure actuelle, l’efficacité du piégeage de fondatrices au printemps pour réduire la densité de nids de frelons n’est pas prouvée. Surtout, les pièges s’avèrent très peu sélectifs et capturent en très grande majorité autre chose que des frelons à pattes jaunes. Dans le meilleur des cas – avec des pièges élaborés différents des pièges « bouteille », un appât à base de cire d’abeille, et une utilisation à proximité directe de ruchers fortement impactés l’année précédente – les pièges capturent jusqu’à 12 % de frelon à pattes jaunes. Cependant, la plupart du temps, les pièges ont des taux de sélectivité inférieurs à 1 %. Les insectes capturés involontairement sont très diversifiés et sont majoritairement des insectes pollinisateurs. Si une lutte par les apiculteurs au sein même des ruchers pour limiter les conséquences sur leur activité d’élevage s’entend et peut porter ses fruits, une lutte globale par tout un chacun ne semble donc pas souhaitable.
La destruction des nids par des professionnels (si réalisée sans insecticide) est une méthode coûteuse mais efficace, sans impacts sur l’environnement . Les nids n’étant pas réutilisés d’une année sur l’autre, leur destruction en hiver est inutile et ce dès novembre car la plupart des fondatrices ont alors déjà quitté le nid. Une des difficultés est donc de les repérer dans les arbres lorsque ceux-ci portent encore leurs feuilles.
L’impact sur l’apiculture repose majoritairement sur le stress qu’entraine la présence de frelons dans les ruchers. En effet, si leur nombre est trop important, leur présence en vol stationnaire devant les ruches pousse les abeilles à ne plus sortir. La baisse voire la cessation d’activité de la colonie l’affaiblit et peut entrainer sa mort. Les seules pertes d’individus occasionnées par la prédation sont moins dommageables pour les colonies, particulièrement tant que les frelons ne sont pas en mesure de pénétrer dans les ruches. Les solutions basées sur la réduction voire l’évitement de ce stress s’avèrent particulièrement efficaces pour réduire les problèmes posés à l’apiculture.
Proposer des solutions recommandables à l’heure actuelle
Dans un rucher :
Il n’existe pas de solution parfaitement efficace ni même adaptée à toutes les situations. Cette liste ne présente pas l’ensemble des méthodes de lutte connues contre l’espèce, mais celles aux impacts limités sur l’environnement et adaptées à l’apiculture.
La tente de protection :
Dispositif basé sur le comportement des frelons qui vise à capturer les ouvrières venues chasser devant les ruches. L’effet sur le stress des colonies et sur la prédation n’est pas connu, mais de par son placement à l’aplomb des ruches et son fonctionnement sans appât, ce système de piégeage a l’avantage d’être particulièrement sélectif.
Le réducteur d’entrée ou la grille anti-frelons :
Limite la prédation en évitant que les frelons ne pénètrent dans les ruches. N’empêche pas le stress et la paralysie des colonies.
La harpe électrique :
Son objectif est de tuer les frelons lors de leur vol devant les ruches. L’efficacité de cet investissement relativement coûteux a été démontrée en contexte de prédation intermédiaire à élevée. Cela permet également de réduire la paralysie des colonies.
Les muselières :
Elles offrent un espace de sécurité aux abeilles à l’entrée de la ruche. Il en existe différents modèles et l’efficacité de certains dans la réduction du stress a été prouvée. Cette méthode a l’avantage d’être facile à mettre en œuvre.
L’enclos grillagé :
Le principe est le même que celui de la muselière mais la mise en œuvre différente. Il s’agit là de protéger les ruches dans une sorte de volière grillagée permettant le passage des abeilles mais pas des frelons. Cet éloignement physique des frelons vise à réduire le stress et la prédation.
Et partout ailleurs !
Au-delà de ces pratiques réservées aux apiculteurs, les personnes simplement désireuses d’agir pour la préservation des insectes pollinisateurs ne sont pas en reste ! Les menaces qui pèsent sur les pollinisateurs sont multiples et les opportunités d’agir pour les aider ne manquent donc pas.
- Ne pas employer de pesticides ni soutenir leur utilisation via ses choix de consommation est un important moyen d’agir en faveur de l’ensemble des insectes pollinisateurs.
- Veiller à conserver des espaces de liberté où laisser s’exprimer la nature est un autre moyen d’aider ces insectes en leur permettant d’assurer leur cycle de vie.
- Tondre son jardin une à deux fois par an ou tous les deux ans, et pas intégralement à chaque fois, est indispensable pour laisser le temps à de nombreuses plantes de fleurir et assurer une ressource continue dans le temps.
- Tolérer les plantes locales à la mauvaise réputation comme les chardons, les ronces, les pissenlits ou les orties permet à des dizaines d’espèces de pollinisateurs de trouver de quoi se nourrir et s’abriter.
- Pour les plus motivés il est aussi possible de semer ou planter des végétaux favorables aux pollinisateurs. Pour cela, attention à ne pas tomber dans le piège des compositions mellifères dont l’intérêt pour les insectes pollinisateurs est galvaudé par l’utilisation de plantes exotiques et aux qualités esthétiques. A la place privilégiez les plantes nectarifères et pollinifères d’origine locale, véritablement adaptées au territoire et à ses pollinisateurs. En cas de doute, n’hésitez pas à contacter le Parc.
Contact
Antoine Huguenin
Chargé de mission LIFE Wild Bees
Email : a.huguenin@pnr-millevaches.fr
tel : 07 88 77 25 15