Qu’est-ce qu’une Charte forestière de territoire ?
La Charte Forestière de Territoire (CFT) est la concrétisation de nombreux échanges entre acteurs forestiers du Parc. Il s’agit d’un projet de territoire où les structures signataires s’accordent sur l’identification d’enjeux et d’orientations pour la filière forêt-bois locale. Elles affirment ainsi leur volonté de construire et d’évoluer ensemble sur les thématiques forestières.
Révisée en 2022 à partir d’un diagnostic territorial, de consultations techniques (filière forêt-bois) et publiques (habitants du territoire), la CFT actuelle permet à ses signataires de s’engager à différents niveaux dans les actions mises en œuvre : du simple soutien moral au pilotage d’actions concrètes, chaque structure s’implique en fonction de ses centres d’intérêts, de ses moyens et du temps qu’elle a y consacrer.
Cette CFT a été pensée pour être souple et dynamique, afin de s’adapter au mieux aux évolutions des enjeux identifiés, mais elle est aussi ambitieuse, car elle réunit 36 structures signataires (associations, établissements publics, gestionnaires forestiers, coopératives forestières, …) engagés autour de la mise en œuvre de 27 actions en lien avec les enjeux économiques, écologiques et sociaux de la forêt.
Des forêts ? Des enjeux !
La forêt occupe autour de 50% du territoire du Parc (164 000 hectares). Elle est en conséquence un objet de préoccupations tant les enjeux sont importants et multiples :
Économiques
La forêt représente un patrimoine pour les propriétaires forestiers (95% des forêts du Parc sont privées, ce qui représente environ 21 000 propriétaires.) Elle est une source d’emplois sur le territoire, évaluée à près de 2 000 emplois directs et indirects, de la pépinière jusqu’à la seconde transformation en passant par la gestion, l’exploitation et les étapes de transformation intermédiaires. Elle est source de matériaux pour des entreprises du territoire, mais également à l’échelle de la France, car deux tiers du volume récolté sur le territoire du Parc est valorisé par des entreprises situées en dehors du plateau limousin.
Écologiques
Par ses particularités historiques, géologiques ou encore anthropiques, les écosystèmes du Parc (tourbières, landes, prairies, zones humides, …) sont remarquables, parfois en raison de leur simple existence et de la raréfaction de ces milieux ailleurs en France. Pour la forêt, certaines sont maintenues depuis des siècles, c’est ce qu’on appelle les forêts anciennes (forêt dont le couvert boisé a été maintenu depuis au moins 150 ans), on y retrouve des espèces végétales et animales rares, voire menacées. D’autres sont des forêts plus récentes, essentielles dans le rôle qu’elles jouent face au changement climatique (fixation de carbone, régulation des flux d’eau, protection des sols, limitation des températures, …) et dans la mise en place des écosystèmes de demain.
Sociaux
Composantes majoritaires des paysages du plateau, les forêts constituent un élément social important tant au point de vue du cadre de vie (qui est un élément important de santé physique et mentale) que des activités qui en découlent. Éléments d’attractivité pour les populations en recherche de naturalité, qu’elles soient de passage ou résidentes, les forêts constituent un argument touristique de première importance pour les adeptes de randonnées pédestres ou équestres, d’activités nautiques et autres occupations de bivouacs. Elles sont bien évidemment le lieu privilégié des amateurs de chasse aux gibiers, aux champignons, aux plantes aromatiques et médicinales, mais aussi aux courses d’orientation (Terra Aventura), aux soirées entre amis et aux animations, ateliers, spectacles… organisés par le Parc ou par d’autres structures.
Les actions de ce programme
Partager la culture forestière | enjeu 1
Le territoire du PNR est doté d’une culture forestière récente, notamment issue des campagnes de reboisement au XXᵉ et XXIᵉ siècles. La forêt, par son histoire, génère plusieurs regards. Des manifestations contre « l’enrésinement » du Plateau sont organisées depuis plus de 40 ans et se poursuivent aujourd’hui. Cette situation a été évoquée tout au long des phases de concertation. Cela a été traduit par un besoin de compréhension mutuelle au sein même des acteurs socio-professionnels du monde forestier, mais également par un besoin de sensibilisation, de dialogue, d’écoute réciproque avec la société civile.
- Il a été évoqué la mise en place d’un langage commun sur les thématiques forestières, en se basant sur des définitions communes.
- Une meilleure compréhension des enjeux propres à chaque acteur et donc une montée en compétences sur les sujets transversaux (retours d’expérience, formation, mise en réseau). Cela pourra notamment permettre la poursuite d’une professionnalisation d’acteurs forestiers (propriétaires, opérateurs terrain…).
- Par rapport au besoin d’échanges avec le grand public, il s’agit de sortir des idées reçues, de sensibiliser et valoriser les pratiques exemplaires déjà mises en place en forêt.
- Ce partage d’informations ne doit pas se faire en sens unique, des forestiers au grand public. Il y a aussi un besoin d’une meilleure prise en compte des attentes sociétales : impacts paysagers de la gestion, de l’exploitation ; aménités fournies par les écosystèmes forestiers…
- Le décloisonnement du secteur forestier a également pour objectif l’intégration de nouveaux acteurs dans les instances forestières : architectes – maîtres d’œuvre / designers / consommateurs de la ressource bois / professionnels du tourisme / représentants de la société civile…
- Il y a aussi un besoin d’une prise de conscience partagée du rôle de la forêt et du bois dans l’adaptation au changement climatique : rôles de séquestration, stockage, substitution, services écosystémiques…
Quelques exemples d’actions visant à partager la culture forestière :
- Intervention auprès des étudiants en BTS Gestion Forestière, première et seconde années, en formation continue ou en apprentissage, à l’EPLEFPA de Meymac (19)
- Sensibilisation du grand public : participation à des évènements locaux, régionaux et nationaux en vue d’informer sur les écosystèmes forestiers, la gestion forestière, la filière bois : Journée internationale des forêts, Mars 2023, à Nedde (87) avec la forêt pédagogique « Hêtre en Forêt », les Nuits des forêts, Juin 2023, à Saint-Setiers (19), Ville à joie, Octobre 2023, à St-Yrieix-le-Dejalat (19)…
- Acquisition de parcelles forestières en forêt de la Molestie : Le Parc s’est porté acquéreur d’environ 5 hectares de forêt sur la commune de Pradines (19). Ces parcelles composées majoritairement de feuillus, destinés à être renouvelés par coupe rase, présentent des caractéristiques de forêt ancienne. Cette acquisition a pu être réalisée grâce au Fonds vert, dispositif du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires visant accélérer la transition écologique dans les territoires. Cette acquisition s’inscrit à la fois dans une volonté de conservation d’espaces naturels remarquables et de création d’un lieu d’expérimentations sylvicoles. Ces parcelles, à l’instar des celles du dispositif marteloscope ou ayant été inscrites aux SylvoTrophées, sont destinées à la mise en œuvre de plusieurs actions de la CFT (réseau d’expérimentation, valorisation des feuillus, gestion multifonctionnelle, support d’apprentissage, …)
- Journée de concertation et d’échange, Septembre 2023, Bugeat (19), organisée par Fibois Nouvelle-Aquitaine (signataire de la CFT) avec pour objectif d’ouvrir un espace de dialogue entre la filière forêt-bois et la société civile : les professionnels de la filière, les associations de protection de l’environnement, les universitaires, les collectivités et l’ensemble des parties prenantes ont été nominativement invités à participer aux journées de concertation.
- Dans les communes, la forêt fait école : Programme de sensibilisation des écoliers, collégiens et lycéens aux enjeux forestiers et à la filière forêt-bois en collaboration avec l’Union Régionale des communes forestière de Nouvelle-Aquitaine (URCOFOR-NA).
Rendre les écosystèmes et la filière plus résilients | enjeu 2
La résilience est la capacité d’un matériau à reprendre sa forme initiale après un choc. La résilience d’un écosystème est directement liée à sa biodiversité, elle-même étant l’expression de nombreux échanges complexes entre les différentes composantes du système. Dans un contexte climatique incertain, il est nécessaire de favoriser la résilience des milieux forestiers du territoire dont dépend pour partie le secteur économique forestier, pan non négligeable de l’économie locale (une fragilisation de ce secteur serait source de fortes vulnérabilités territoriales).
- Le maintien de l’hétérogénéité (propriétaires forestiers, gestionnaires, stations forestière, peuplements…) du massif forestier participe à la résilience globale du système actuel. Développer de nouveaux marchés pour répondre à cette hétérogénéité est un enjeu pour la filière du territoire.
- Poursuivre la prise en compte des facteurs environnementaux dans les itinéraires et pratiques sylvicoles (diversification des essences, techniques de renouvellement des peuplements, qualité des pratiques, impacts sur le sol…) avec un objectif premier de bois d’œuvre dès lors que cela est possible.
- Anticiper les risques climatiques que ce soit sur la question de la ressource en eau (quantité et qualité), l’accès des massifs en cas d’incendie, de dépérissement…
Il est nécessaire d’estimer au mieux ces risques et leurs impacts sur le territoire et d’anticiper en les intégrant dans la gestion courante des forêts (solutions fondées sur la nature, migration assistée, expérimentation, desserte forestière…).
Quelques exemples d’actions visant à rendre les écosystèmes et la filière plus résilients :
- Dispositif OPAFE : renouvellement du règlement OPAFE, communication et diffusion des dossiers soutenus. Visites de parcelles et traitement des diverses sollicitations.
- Visite de la mission parlementaire de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale en 2023
Augmenter la création de valeur ajoutée | enjeu 3
Le territoire du PNR est un territoire ressource, notamment pour le résineux (épicéa, douglas). Une filière économique s’est développée en lien avec cette ressource et fournit des produits bois à l’échelle nationale et internationale. Néanmoins, l’utilisation de bois sur le territoire, et donc un retour de valeur ajoutée supplémentaire, n’est encore que peu développée.
- Augmenter la part de bois sur le territoire (bois construction ; bois énergie à partir de sous- produits, déchets…) tout en restant dans des logiques de filière durable. Sur le Parc, le bilan {accroissement – prélèvement} est à l’équilibre mais n’est pas significatif. Autrement dit, l’accroissement annuel des peuplements forestiers et la récolte annuelle sont quasi équivalents. Cette dynamique se doit d’être complétée par d’autres données (état de reconstitution des massifs forestiers, équilibre dans les classes d’âge des peuplements à l’échelle massif…). Ainsi, il s’agira d’envisager une réorganisation des flux de bois et produits finis vers le territoire sans toutefois se couper des marchés nationaux et internationaux.
- Maintenir le tissu d’entreprises et les valoriser, notamment les entreprises artisanales, de petite taille, qui maillent le territoire et qui présentent, pour certaines, une polyvalence et une adaptabilité pouvant répondre de l’hétérogénéité des produits bois (feuillus, gros bois, essences à la marge…) à travers :
- la valorisation des métiers pour renforcer l’attractivité de la filière bois et faire face aux difficultés de recrutement auxquelles sont confrontées les entreprises de première et de deuxième transformation,
- le développement des réseaux producteur / transformateur / consommateur qui participeront au développement d’une culture forestière partagée, – le développement d’une filière tournée vers le feuillu ainsi que les gros bois de qualité pour une utilisation en construction bois et développer des marchés de niche (notion de micro-filières). Cela permettrait d’optimiser la valorisation de produits issus des forêts hétérogènes et de conforter la gestion de peuplements, bien que riches en biodiversité et pouvant être de qualité, aujourd’hui peu valorisés.
Les mesures de la charte
Mesure 22 - Préserver et gérer la ressource forestière et son environnementMesure 23 - Réconcilier les acteurs et usagers de la forêt
Mesure 37 - Favoriser le lien social par des coopérations locales
Mesure 38 - Développer les coopérations
Contact
Julien Goubely
Chargé de mission Forêt Bois – Charte Forestière de territoire
Email : j.goubely@pnr-millevaches.fr
tel : 06 77 83 89 21