Le bâti de Millevaches, un patrimoine préservé

Le PNR de Millevaches en Limousin fait de la sauvegarde de son patrimoine bâti une des grandes orientations de sa Charte. Marqueur incontournable des paysages de Millevaches, ce patrimoine rural se caractérise par l’usage des matériaux locaux : granite, tuf, ardoises, bois.

Eymoutiers © HLC

Quelques chiffres clés

  • Près de 1600 éléments bâtis inventoriés
  • 140 immeubles inscrits ou classés
  • 2 sites patrimoniaux remarquables (SPR) : Eymoutiers et Treignac

Le patrimoine bâti rural, fermes et maisons rurales

Le bâti traditionnel est le fruit d’un long processus d’évolution répondant aux besoins de l’occupant. Il correspond à une architecture dite vernaculaire ; sans maître d’œuvre ni architecte, utilisant les ressources et savoir-faire locaux.

Organisation des fermes

Comme dans le reste du Limousin, le groupement par village constitue la forme élémentaire et fondamentale de l’association rurale, la cellule sociale de base matérialisée par les sections.
L’organisation et les caractéristiques économiques de ce pays rural sont liés à la pauvreté de la terre et à l’abondance de l’eau. Aux XVIIIe et XIXe siècles, époque de laquelle date la quasi-totalité du patrimoine rural bâti, les habitants sont pour l’essentiel des laboureurs, petits propriétaires ou métayers, voire simples journaliers ou bordiers, en tous les cas, paysans qui pratiquent la polyculture dans un but d’autoconsommation.
La grande majorité des fermes et maisons rurales datent du XIXe siècle, seulement 20% se répartissent entre 1550 et 1800. Un temps fort de construction marque les années 1825-1850, alors que déjà à partir de 1850 se ressentent les effets d’une baisse démographique due à l’exode rural qui marque la fin du siècle.

Les logis de ferme

Le logis de ferme, tel qu’on le connaît depuis la fin du XVIe siècle correspond au module le plus modeste et le plus ancien. Son extension se fait soit en longueur par l’adjonction d’une pièce supplémentaire en rez-de-chaussée, soit en hauteur par l’introduction d’un étage en soubassement ou d’un étage carré d’habitation.
La maison paysanne est conçue, par ceux qui la construisent et qui l’occupent, à la fois comme un abri et comme un instrument de travail. Les constructions obéissent à deux principes de composition : en bloc-à-terre (soit environ 40% du bâti) et en éléments dissociés (60%).
Le décor des façades se caractérise par une grande sobriété. Il se limite aux encadrements de baies et plus particulièrement aux linteaux des portes de logis. Le granite se prête ici à une sculpture simple et répétitive, dans laquelle prédominent motifs floraux et motifs géométriques, écus symboles chrétiens et parfois représentation gravée ou sculptée d’outils de maçons. Ces motifs s’accompagnent souvent des millésimes inscrits sur les linteaux ou les traverses d’impostes, plus rarement des initiales des noms des propriétaires ou des maçons. 

© PNRML
Initiales sur linteau © PNRML

Les granges-étables et les dépendances

Ainsi que le laisse entendre le terme générique usité de « grange-étable« , les deux fonctions de stockage pour le fourrage et la paille et d’abri pour les bêtes sont réunies sous le même toit.  Il existe deux grands types de granges-étables : la limousine, bâtiment dont les ouvertures principales regroupées sur le même mur-gouttereau sont de plain-pied avec le sol et l’auvergnate, bâtiment utilisant le dénivelé du terrain et divisé dans toute son étendue par un plancher, avec les étables au niveau inférieur et la grange au niveau supérieur accessible en haut de pente.

Four à pain Saint-Augustin © PNRML

Les fours à pain qui subsistent aujourd’hui, assez nombreux, quelle que soit la variété de leur disposition et de leur structure, font toujours partie de l’exploitation agricole. Il existe plusieurs types de disposition de fours à pain (intégrés au logis, cul de four, en abside, à fournil voûte…).
Les porcheries, séchoirs à châtaigne, poulaillers, pigeonniers, … sont également des éléments de petit patrimoine rural présents sur le territoire et ayant une valeur patrimoniale.

Les croix monumentales

Croix à Saint-Augustin

Les croix monumentales, par leur densité, la grande diversité de leurs formes et parfois leur qualité de sculpture, malgré un matériau rebelle, constituent une spécificité forte du territoire.
Sous l’appellation croix monumentale sont regroupées les croix de cimetière, les croix de carrefour ou de chemin et les croix de mission. Plus de 300 croix ont été recensées sur le territoire.
Les croix monumentales sont des monuments isolés à structure simple qui se composent en général d’un soubassement à un ou plusieurs emmarchements, d’un socle monolithe ou appareillé, d’un long fût et de la croix elle-même. Au niveau de la croix, les formes et le décor se diversifient, surtout pour celles en granite. Le type le plus largement représenté est la croix latine simple avec ou sans iconographie.

L’architecture et le patrimoine lié à l’eau

Du simple usage agricole ou domestique aux pratiques religieuses liées au culte des fontaines, jusqu’aux équipements plus récents orientés vers la production industrielle et le tourisme, les activités de la vie rurale et semi-rurale du territoire concernées par l’eau sont multiples.

Les moulins à eau

Les moulins liés à de petites exploitations sont au XIXe siècle des bâtiments de petite dimension (20 m3) à une roue horizontale. Isolés au bord d’un ruisseau ou d’un étang, reliés au village par un étroit sentier. Les moulins installés au fil de l’eau, c’est-à-dire directement sur le cours d’eau, sont rares. Pour la plupart, ils sont alimentés par un bief ou par un canal de dérivation et un réservoir qui donnent une meilleure régulation du débit. La grande majorité de ces moulins sont des moulins à grain, essentiellement à seigle ; plus rarement pour fouler le chanvre et / ou broyer des faines (fruits du hêtre).
187 moulins ont été étudiés sur le territoire d’étude.

Moulin de Razel à Pérols-sur-Vézère © M. Mazurier PNRML

Les ponts et les planches

Pont Beau à Bonnefond
Planche de Marcy © D. Legoupil

Les ponts étant souvent à proximité d’anciens moulins, le franchissement des cours d’eau, qui sont ici de faible largeur et peu profonds, se fait par d’assez nombreux petits ponts ou ponceaux. Construction de granite très simplifiée, le pont comporte une seule ou deux arches ; le tablier est étroit et sans parapet. Leur datation est difficile, mais il s’agit souvent de construction ou reconstruction des XVII et XVIIIe siècles. 14 de ces ponts font l’objet d’un descriptif détaillé au niveau des services de l’Inventaire de la Région.

« Ce que nous appelons maintenant « planche » est un agencement rustique de pierres dressées dans l’eau pour faire office de piles, surmontées, hors de l’eau, par des dalles servant de tablier. Cette technique a été conservée à travers les siècles et il est souvent difficile de dater des ouvrages de ce genre. Ils ne sont possibles que sur des cours d’eau peu larges et peu profonds, donc sur des ruisseaux ou très en amont des rivières. »
Extrait de : Les ponts en Limousin

Les fontaines

La fontaine de village, point d’eau d’utilité quotidienne, présente ordinairement une structure sommaire, simple maçonnerie abritant la source ou parfois une construction plus soignée. Souvent dans ce cas, ce sont de « bonnes fontaines« , où fonctions utilitaire et cultuelle coexistent.
Plus de 50 fontaines ont été identifiées pour leur caractère remarquable ou identitaire sur le territoire.

Les puits

Un très grand nombre d’exploitations agricoles possède leur propre puits. Le type le plus caractéristique est le puits guérite élevé sur plan carré ou circulaire, couvert de dalles de granite, avec une ornementation limitée à une boule quillée couronnant l’édicule.
Le puits est plus communément abrité sous un toit à charpente avec une couverture en pavillon ou en appentis, en ardoises carrées ou en écailles, plus rarement en bardeaux ou en dalles de schiste.

Une Charte de qualité pour la restauration du patrimoine bâti

Afin de guider les acteurs de la rénovation (propriétaires, architectes, artisans…), le Parc a réalisé une Charte de qualité pour la restauration du patrimoine bâti.
Après une présentation des typologies d’habitats que l’on rencontre sur le territoire de Millevaches, des techniques et des matériaux mis en oeuvre, ce document regroupe 6 fiches thématiques : maçonneries de pierre ; enduit et rejointoiement ; charpente et ouverture ; menuiserie, peinture, ferronnerie ; isolation, ventilation et chauffage ; clôtures et abords. Dans chacune de ces fiches, de quoi connaître le sujet, diagnostiquer les problèmes et intervenir !

Cliquez sur l’image pour consulter le document.

Architecture et faune

La richesse architecturale est indissociable du patrimoine naturel et de la biodiversité qui le compose.  En effet de nombreux animaux vivent eux aussi dans nos maisons ou à proximité et profite de notre présence, ils se sont adaptés et installés dans le bâti ancien. Ainsi les modifications que nous apportons sur les bâtiments et leurs abords influent sur la qualité de leur milieu. Il s’agit de prendre en compte leurs besoins sans pour autant limités les nôtres, il convient donc aujourd’hui d’apprécier et de respecter cette cohabitation nécessaire et profitable à chacune des parties. Les espèces présentent dans le bâti ne sont pas nuisibles à votre bien-être, elles doivent plutôt être perçues comme des colocataires qui apportent des avantages, par exemple en vous débarrassant des insectes. Chacun à son échelle peut donc concourir à cette harmonie et interaction durable.


Quelques exemples :

Les hirondelles 

Le rôle de l’homme dans la conservation des hirondelles est d’autant plus important que l’habitat humain est également celui de l’hirondelle rustique et de fenêtre.
Que ce soit en ville, dans les villages ou en campagne, les hirondelles élisent domicile sur et dans les bâtiments édifiés par l’homme. Mais l’hirondelle n’a rien à envier à ce dernier concernant sa capacité à bâtir. Ce petit maçon, érige son nid en agglomérant des boulettes de boue mélangées à de la salive.
L’hirondelle rustique y ajoutera quelques brins de paille ou d’herbe, de crin ou de ficelle, glané de ci de là, pour former une demi-coupole. Accrochée contre une poutre ou un mur au revêtement un peu rugueux, prenant appui sur un clou ou des fils électriques, dans les granges, hangars, ou autres bâtiments, cet abri préservera les petits du vent et des intempéries.
L’hirondelle de fenêtre quant à elle, fabrique un nid quasiment fermé, souvent posté sous une avancée de toit ou un rebord de fenêtre suffisamment large pour le protéger des aléas climatiques (chaleur, vent, pluie). Seule ouverture, un petit orifice placé sur la partie supérieure du nid. Les petits sont ainsi bien protégés.
Les particuliers jouent un rôle très important dans la préservation des hirondelles. En effet, conserver les nids chez soi, ou poser des nichoirs, permet de pérenniser les colonies et même de les voir croître. « Et les salissures ? » direz-vous ! Et bien pour les salissures, la pose d’une planchette anti-fientes placée sous le nid permettra de récupérer les déjections des oiseaux et préservera ainsi tout ce qui se trouve en dessous. Chacun peut s’engager dans la protection des hirondelles et diffuser autour de lui le message rappelant que l’hirondelle est fragile et qu’il est nécessaire de l’aider.

Hirondelle rustique

Hirondelle rustique © F. Jiguet CC

Hirondelle de fenêtre

Hirondelle de fenêtre © F. Gourdain CC

Les chauves-souris

Grands murins, rhinolophes, pipistrelles, sérotines et barbastelles peuvent s’installer dans la charpente ou s’y suspendre. Il convient de leur laisser des ouvertures dans les abat-sons ou dans la toiture.
Quelques espèces de chauves-souris gîtent dans les combles et les toitures. Pipistrelles et sérotines se dissimulent au regard en se cachant sous les tuiles, grands murins et rhinolophes se suspendent dans les grands espaces vides. Les chauves-souris sont souvent présentes une partie de l’année seulement (généralement d’avril à septembre, le temps de mettre bas et d’élever les jeunes). Ces espèces – intégralement protégées par la loi – sont particulièrement sensibles au dérangement au cours des premiers mois des jeunes. Quelques aménagements simples permettent d’améliorer la cohabitation : pose de nichoirs ou de plaques en bois sur les murs pour confiner la colonie à un endroit de la toiture, bâches suspendues ou au sol pour protéger le plancher et récupérer le guano (excellent fertilisant naturel).
Attention, certaines espèces en consomment d’autres ! Il convient de favoriser l’espèce présente (ou présente historiquement : chouettes ou chauves-souris) sans nécessairement tenter d’aménager les combles pour toutes les espèces.
Les rhinolophes (petits et grands) apprécient également les caves qui les abritent pendant l’hibernation. Il n’est pas rare de les observer, pendus au plafond, au-dessus de la chaudière ou dans un recoin sombre et peu passant. Il faut alors veiller à ne pas obture leurs accès (soupiraux, portes…) et déposer des bâches sur les zones souillées.

Grand murin

Grand Murin © P. Gourdain CC INPN

Petit rhinolophe

Petit Rhinolophe © P. Gourdain CC INPN

Les amphibiens

Tritons, salamandres, crapauds et grenouilles peuvent passer l’hiver et les périodes chaudes dans les caves. Ils peuvent se dissimuler sous des objets posés au sol, il faut donc de faire attention de ne pas les écraser. Le fait de maintenir des ventilations naturelles dans les caves limitera également la présence d’humidité. Le bâti ancien doit avant tout respirer et n’a pas été conçu de façon à être totalement hermétique. Le manque de ventilation peut engendrer des problèmes liés au taux d’humidité trop élevé de type mérule ou concentration de radon dans l’air.

Triton marbré

Triton marbré © F. Serre Collet CC INPN

Salamandre tachetée

Salamandre tachetée © F. Serre Collet CC INPN

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